L'affaire
traitée en ce 7 Mars 2002 par le Tribunal Administratif de
Bastia aurait pu être très simplement réglée.
C'est tout au moins ce qu'espéraient les membres de l'association
" Pour le libre accès aux plages et la défense
du littoral". Il n'en fut rien. Il se pourrait même que
ce dossier prenne une tournure qui dépasse, et de loin, le
stade d'une banale procédure judiciaire.
Les
faits.
Mr Rousseau est propriétaire d'une villa dont la superficie
d'origine tourne autour des 275 m2. Construite dans les années
1970 cette résidence se situe dans la bande des 100 mètres
sur une sone remarquable répertoriée par les services
de l'État. Le lieu est splendide, à la pointe de Tamaricciu
sur la commune de Portivecchju.. L'édification de cette coquette
demeure s'étant déroulée en des temps ou les
textes législatifs étaient infiniment moins en faveur
de l'environnement. Il ne s'agissait donc pas pour Gérard Bonchristiani
représentant de l'association requérante d'attaquer
de manière rétroactive cette construction. Ce qui motivait
son action devant les tribunaux en ce mois de Mars tient en une demande
d'extension pour une superficie de 57m2 demandée par le propriétaire.
Le permis de construire accordé par le maire de la commune,
Mr Camille de Rocca-Serra passait également le cap du contrôle
de légalité effectué par les services de l'État,
en l'occurrence ceux de la Direction Départementale de l'Équipement.
Ces autorisations données en dépit de la loi et le feu
vert donné par les responsables de la DDE locaux auraient cependant
dû tenir compte de l'article L 146 alinéas 3 et 4 de
la loi "Littoral"? Ce qui ne fut pas fait pour des raisons
difficilement compatibles avec le respect de textes qui précisent
clairement ce qui peut se faire ou non dans la bande des 100 mètres
et de surcroît dans une zone répertoriée pourtant
comme espace remarquable par les services de l'État.
Ces décisions sont donc rapidement contestées par l'association
"pour le libre accès aux plages et la défense du
littoral" qui présente un recours en annulation près
du Tribunal Administratif de Bastia.
Une procédure curieusement
abordée par la défense.
Maître Jean-Pierre Poletti, avocat inscrit au barreau de Bastia,
connaît son métier. En cela son client peut compter tant
il est vrai que ce juriste intervient sur d'autres dossiers quelque
peu similaires parce que touchant aux litiges sur la validité
de permis de construire. La maîtrise des rouages de cette juridiction
particulière qu'est un Tribunal Administratif le conduira d'ailleurs
à ne déposer son mémoire que quelques cinq jours
avant l'examen de l'affaire par les magistrats en charge. Peu de temps
laissé donc aux plaignants pour parfaire leurs arguments, mais
tenaces ces derniers auront à cur de peaufiner leur dossier.
Ce qu'ils feront pourtant en présentant le jour de l'examen
du litige, une pièce déterminante. En effet la défense,
s'appuyant sur un relevé cadastral présentant toutes
les apparences d'une parfaite authenticité, voulait informer
les magistrats de la "réalité" d'une urbanisation
relativement dense sur les lieux.
CADASTRE DE 1998
Ce document daté
de 1998 témoigne donc de constructions multiples dans un espace
donné. La défense pouvant donc se prévaloir du
respect strict de la loi "Littoral" qui prend en compte
cet aspect et permet donc dans des limites très précises
des constructions nouvelles voire des extensions pour peu que le circuit
administratif soit respecté. Or sur le relevé cadastral
dûment effectué par les requérants auprès
des services compétents, ces constructions (
entourées en vert ) n'existent pas. Les investigations
sur le terrain par voie terrestre et maritime confirmeront les doutes
de nos amis associatifs qui photos à l'appui peuvent témoigner
de l'inexistence des bâtisses figurant pourtant sur le document
présenté par la défense de Mr Rousseau !
Forts de leur bon droit les représentants de l'association
présentent le jour même le relevé cadastral fait
par leurs soins et qui lui porte des tampons officiel et à
une date toute récente.
CADASTRE DE 2002
Jusqu'ou
ira l'étonnement des magistrats ?
Le réquisitoire présenté par le commissaire du
gouvernement, étayé par des pièces antérieures,
le conduira a demandé à ce que l'association soit déboutée,
mais comme le signale un journaliste de Nice Matin dans le journal
du 8 Mars 2002 ce sont pour l'heure les arguments de la défense
qui ont été entendu. Pourtant les magistrats semblèrent
quelque peu ébranlés par cette pièce présentée
par l'association. Son indéniable authenticité conduira
t-elle les juges à penser que la défense à usé
d'un document délibérément falsifié ?
Seront-ils convaincus que l'on a tenté de les fourvoyer ? Conclusions
qui une fois adoptées devraient alors les conduire à
considérer cette affaire sous un angle tout à fait différent.
En attendant le jugement renvoyé au 22 Mars 2002 le propriétaire
poursuit la conduite des travaux, de surcroît une démolition
réalisée elle sans la moindre autorisation. On aurait
pu croire qu'en attendant l'arrêt du tribunal le permis initial
aurait été lui provisoirement suspendu, il n'en est
rien non plus.
Appel à la mobilisation.
Les organisations qui constituent le Collectif pour l'application
de la loi Littoral savaient au lendemain de dernier vote des parlementaires
qu'il s'agissait d'une indéniable victoire due leurs efforts
mais aussi à l'écrasante majorité des Corses
peu disposés à voir leurs espaces naturels livrés
à l'encan. Ce premier succès très encourageant
ne doit pas pour autant nous plonger dans une béatitude anesthésiante.
Les tentatives de prédation ne sont pas toutes mises en échec,
loin s'en faut. La "guérilla" administrative, art
parfaitement maîtrisé par quelques prévaricateurs
ne peut pas être encouragé par l'État et par une
poignée d'élus locaux. Elle conduirait à opposer
notre légitimité à de trop nombreux dénis
de justice. Nous ne savons que trop sur cette terre de Corse à
quoi conduisent les injustices pour inciter tous les "décideurs"
institutionnels en tête à ne pas fuir plus longtemps
leur responsabilité.
Pour leur part , les militants de la Manca Naziunale continueront
inlassablement et indéfectiblement à soutenir sans réserve
toutes celles et ceux qui uvrent au respect de nos espaces naturels
collectifs. La Corse n'est pas à vendre n'en déplaise
à une minorité de spéculateurs.
Dans notre prochain dossier:
Quand l'État
est débouté devant les tribunaux au regard d'un cadastre
"adapté".